Recette pour faire un bon « total quelque chose »

A la suite d’un récent article du Vanity Fair sur les totalitarismes dans le cinéma, je me suis à mon tour penchée sur la représentation de ces régimes dans les films.

Avant de commencer à étudier les grands classiques, je voudrais rappeler que, sans en avoir l’air, le totalitarisme est l’une des principales sources d’inspiration des scénaristes aujourd’hui. Il suffit de regarder la programmation et le box-office de cette année ! Divergente, The Giver, la saga des Hunger Games… Ces films en haut du classement s’inscrivent dans une longue lignée : Battefield earth, Snowpiercer, Soleil Vert, 1984, Fahrenheit 451 ou V pour Vendetta, la liste est longue et variée !

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Mais qu’en est-il dans la vraie vie, dans le monde actuel ? S’il semble ne plus y avoir de totalitarismes dans le monde, il y aurait, si l’on s’en tient à la définition exacte d’un régime autoritaire comme  » régime politique qui par divers moyens (propagande, encadrement de la population, répression) cherche la soumission et l’obéissance de la société », plus d’une trentaine de pays considérés comme autoritaires. La Corée du Nord évidemment, dont le dirigeant Kim Jong-un vient de soudainement réapparaître, la Birmanie déjà évoquée dans l’article The Lady, mais aussi la Russie, la Chine, et de nombreux pays d’Afrique ou du Moyen Orient comme le Koweït, l’Angola, la République centrafricaine, l’Afghanistan ou la Syrie.

J’ai décidé d’étudier les caractéristiques des totalitarismes en choisissant comme pays La Corée (informations très restreintes donc) et la saga des Hunger Games (pour les fans d’action et de blockbusters).

Voici donc une recette en 5 points pour faire un bon régime autoritaire !

POINT N°1 : Ton économie tu planifieras

La première caractéristique de tout régime autoritaire (qui se veut souvent totalitaire d’ailleurs) c’est le contrôle total (décidément nous allons répéter ce mot plusieurs fois) de votre économie. S’offrent alors à vous deux possibilités.

La première c’est de décomposer la population en quartiers possédant chacun une tâche bien précise. Exactement comme dans Hunger Games où le pays a organisé son économie en districts. Les habitants, simples outils qui ne servent qu’à récolter le fruit de votre dur labeur, sont focalisés sur un seul but : celui de produire bien et en grande quantité. Dans un contexte plus contemporain, vous pouvez miser sur l’accentuation d’un unique pôle d’activité. Mais gare à vous ! Kim Jong-un en a fait la difficile expérience et je suis sûre qu’il saurait témoigner des dangers de cette tactique ! En favorisant un unique secteur, vous affaiblissez bien évidemment les autres et votre économie n’a donc plus de roue de secours ! Dans son cher petit pays, le dirigeant a privilégié, tout comme ses prédécesseurs, l’industrie de l’électricité. Et si celle-ci lui a permis d’augmenter son PNB jusqu’à 40 milliards de dollars, la politique autarcique menée en parallèle, ne favorise absolument pas les échanges avec les autres pays, laissant les services et l’agriculture en grande difficulté.

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POINT N°2 : Un chef emblématique et menaçant tu incarneras

« La mystérieuse disparition de Kim Jong-Un ! » « Le Nord-coréen Kim Jong-un refait surface après sa mystérieuse disparition ! » tels étaient les titres de l’actualité lors du retour du dirigeant il y a quelques semaines. Comme lui, tout « dirigeant » ou, appelons les choses par leur nom, tout dictateur, doit faire parler de lui ! Il faut être craint mais glorifié, impitoyable mais généreux et bienveillant ! Tout est une question d’image.

Si par hasard, un fâcheux accident vous arrivez (une jambe cassée, ou des rumeurs –fondées- sur l’assassinat d’un de vos proches), veillez à faire comme-ci de rien n’était ! Contentez vous de réapparaître  soudainement en public, le menton haut et le visage sadique souriant. Si on vous interroge de manière un peu trop inquisitrice… vous savez ce qui vous reste à faire : un claquement de doigt et ces journalistes étrangers peuvent disparaître. Quant à ceux de votre pays, inutile de vous rappeler que vous contrôlez déjà la presse et qu’une ligne de travers leur coûterait la vie.

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POINT N°3 : De la propagande massivement tu useras

Être cruel et menaçant c’est bien, mais pour l’autre partie de la population, vous vous devez d’être exemplaire, un modèle de puissance, de sagesse, de bienveillance et d’amour. N’hésitez donc pas à employer tous les outils de propagande possibles ! Affiches, radio, télévisions, cinéma, livres (si vous décidez de ne pas les brûler)… vous devez tout contrôler ! Attention cependant à ne pas tomber dans la démesure ! Si vous engagez des acteurs, choisissez-les sérieusement s’il vous plaît ! En Corée du Nord par exemple, il est d’usage de s’entourer de femmes en pleurs. Pourquoi ? La réponse est assez douteuse : pleurent-elles parce qu’on vient de menacer leur entière famille et de tuer leurs enfants pour qu’elles posent avec vous, ou est-ce un trop plein d’émotion qui les submerge à la vue de leur leader si respecté ? Libre à vous de choisir, l’important est que ce soit crédible.

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Vous pouvez également diffuser de courts films publicitaires promouvant votre gouvernement. Choisissez alors un fond immaculé, des héros nationaux que vous sont (in)volontairement rattachés et que avez soigneusement soumis (par la torture mais chut !)  Besoin de conseils ? Adressez-vous au président Snow qui est maître en la matière ! Admirez la manière dont il prône ses jeux : il est assis au centre, telle une figure du pouvoir honnête et décidé, et encadré par les deux héros révolutionnaires les plus appréciés du pays (tous deux vêtus de blancs comme c’est beau !). Il montre ainsi que même les plus réticents, les plus farouchement opposés à son idéologie sont obligés de se rallier à lui. Et puis si ces tendres images ne convainquent pas, organisez deux-trois petites démonstrations militaires (au choix massacre d’enfants dans une arène ou violences envers la population par l’armée) auxquelles la population sera obligée d’assister (diffusion du film 24h/24 dans toutes les pièces de votre maison, l’équivalent d’une super réaliste série télévisée quoi !)

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POINT N°4 : ton idéologie précise tu diffuseras

Tout bon chef totalitaire doit diffuser son idéologie. Une idéologie qui, de manière assez ironique d’ailleurs, est souvent très similaire d’un régime à l’autre. Fondée sur le contrôle total de la population et d’organisation souvent socialiste, voire communiste, votre idéologie ne doit pas être trop précise. Comme tous les autres, vous allez défendre la primauté de la nation. Comme tous les autres, vous allez vanter les mérites d’une économie contrôlée par l’état, libérée de toute influence de ces capitalistes. Comme tous les autres vous allez menacer les ennemis de la patrie et encourager à suivre le modèle de l’homme suprême (ou non). Alors si vous ne pouvez faire dans l’originalité, choisissez, l’absence totale de tout discours. C’est ce que Kim Jong-Un fait. Lorsqu’il s’adresse à son peuple, il ne le fait qu’en termes très généralistes ! En effet, le peuple ne vous intéresse pas : Ce qui compte, c’est le pouvoir, votre petit confort personnel et votre petit point de vue bien étriqué !

En tant que chef suprême, vous avez sûrement une idée très précise de ce qu’un régime doit être. Alors remontez vos manches et préparez-vous car le bourrage de crânes commence dès le plus jeune âge. On commencera donc par des visites récurrentes dans les hôpitaux, les orphelinats. (Attention, toujours prévoir un photographe pour ensuite mettre tout ça en ligne !) Si vous ne pouvez pas vous déplacez, car vos stupides sujets sont trop menaçants et ne comprennent rien à rien, envoyez à votre place des émissaires, qui sont issus d’un district par exemple (enfin de la classe inférieure quoi), mais symbolisent votre pouvoir et le prestige de votre gouvernement. Ces hommes parfaits sont autant de médiations pour diffuser votre idéologie au sein même de la jeunesse qui y voient des modèles à suivre.

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POINT N°5 : par la violence et la terreur tu régnera

Comme nous l’avons maintes fois répété, votre contrôle sur l’état et sur la population doit être total. Mais vous devez toujours préservez votre image  Ainsi pendant que vous torturerez secrètement des « ennemis » dans les salles souterraines de votre sublime palais ou que vous assassinez publiquement les musiciens de tout un orchestre, ou un ensemble de 24 jeunes choisis au hasard dans d’immenses arènes plus malsaines les unes que les autres, n’oubliez jamais d’apparaître aux côtés d’enfants ou de votre chère compagne (que vous fusillerez une semaine après). Quitte à être accusé par l’ensemble de la communauté internationale et par l’ONU elle-même de crime contre l’humanité, n’hésitez pas à commettre les pires exactions : meurtres, génocide, viols, famines… On ne compte plus les crimes de Kim Jong-Un : de sa première compagne exécutée pour une vidéo trop osée, à l’enlèvement de personnes dans des pays étrangers sur ordre du régime nord-coréen (les tristement célèbres fantômes Pyongyang) en passant par les avortements monstrueux et forcés de femmes violés et au détournement des aides humanitaires contre la famine afin de fabriquer une bombe atomique, les droits de l’homme sont ouvertement bafoués et l’horreur de ce régime est véritablement institutionnalisée.

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L’ex compagne du dirigeant, mystérieusement disparue après la diffusion d’une vidéo compromettante (mais surtout l’arrivée d’une nouvelle favorite)

 

Voilà donc une recette que devrait, selon moi, suivre tout chef totalitaire! A prendre au second degré bien évidemment!

Et Si vous vous posez encore des questions n’hésitez pas à regarder le film La Vague de Dennis Gansel ! Ou à lire le livre parce que c’est pas plus mal aussi!

Ysé.

 

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